C’est le seul territoire en France dans lequel sont en vigueur à la fois la redevance incitative et les bornes d’apports volontaires, à l’échelle d’un département.

En Dordogne, un système de tarification incitative et d’apports volontaires de déchets dans des bornes qui s’ouvrent par badges se déploie depuis 2016.

Le syndicat en charge de cette gestion des déchets, le SMD3, observe que dans les secteurs concernés le volume des ordures ménagères baisse et celui des déchets recyclables augmente.

Certains particuliers avec des déchets incompressibles sont opposés à ce dispositif et regrettent les bacs à roulettes près de chez eux. Les professionnels du tourisme (campings, restaurants et hôtels) accueillent plutôt favorablement la mesure, tout en attendant certains ajustements.

Fini le camion des éboueurs qui passe au petit matin ramasser les poubelles déposées dans les bacs à roulettes. En Dordogne, un nouveau système de gestion des déchets a été progressivement mis en place depuis 2016. « Pour un foyer de deux personnes par exemple, il y a 26 ouvertures de soixante litres autorisées à l’année, explique Isabelle Moreau, secrétaire générale du SMD3, le syndicat en charge de la gestion des déchets sur le département. Au-delà de ce volume, le dépôt est facturé 5,22 euros ».

Les résidents déverrouillent la borne grâce à un badge qui donne droit à des ouvertures limitées tandis que les bacs de recyclage pour le verre et les emballages restent en accès libre. L’objectif est bien de diviser par deux (entre 2010 et 2025) le volume des déchets produits par les habitants dans ce département où l’enfouissement coûte cher, en accord avec la loi Transition énergétique de 2016.

Le SMD3 explique que dans un sac de déchets ménagers, on trouve en moyenne deux tiers des déchets qui pourraient être ailleurs (compostables ou recyclables), ce qui correspond à la moyenne observée au niveau nationale.

Certains particuliers très insatisfaits

Certains comme Florence Poumarede, famille d’accueil pour trois personnes âgées handicapées et fondatrice de l’association des mécontents de la collecte des déchets en Dordogne ne s’y retrouvent pas et déposent leurs poubelles au pied des bornes. « J’ai rendu ma carte. En quinze jours j’ai atteint mon quota et pour tout le reste, ce serait des ouvertures à 5,20 euros », justifie-t-elle, pointant qu’il existe 200 familles d’accueil comme elle en Dordogne. Sur ces cas, le SMD3 répond qu’il « continue à travailler avec les députés et les sénateurs à des ouvertures supplémentaires, précise Isabelle Moreau. Il est envisagé par exemple que les forfaits non utilisés puissent être mis dans une banque de données, l’année prochaine ».

Jusqu’à présent, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TOM) était basée sur le foncier bâti c’est-à-dire qu’une personne seule dans une grande maison produisant peu de déchets pouvait payer une taxe assez élevée. Avec ce nouveau dispositif, pour l’ensemble de la gestion des déchets, la moyenne annuelle par foyer est de 245 euros en moyenne. « En fonction du nombre de personnes, on paye la même somme peu importe où on en est, fait valoir Isabelle Moreau. Certaines pour qui cela va être plus cher s’expriment mais il y a aussi ceux pour qui ça baisse ».

Forte de ses 12.000 membres et quelque 1.000 adhérents, l’association déplore que certains, à la campagne, « tendent vers le zéro déchet » mais n’y sont pas incités car ils doivent s’acquitter d’un abonnement, quoi qu’il arrive. « On ne veut pas seulement grogner mais on ne veut pas être pénalisés, conclut Florence Poumarede. Le verre et le carton en apports volontaires c’est très bien mais il faut remettre le porte à porte pour les ordures ménagères avec un retour des bacs à roulette et pas à plus de 200 à 300 mètres des habitations. »

Des volumes de déchets collectés en baisse

Sur certains territoires comme Belvès, touristique, et Montpon, plutôt rural, une comparaison chiffrée a été réalisée par le SMD3 entre juillet 2020 et décembre 2022 et elle est éloquente. Pendant cette période, sur Belvès, le volume d’ordures ménagères par habitant et par an a chuté de 264 kg par habitant à 158 kg. « On prend bien en compte les dépôts en pied de bornes, précise Isabelle Moreau, anticipant une critique de l’association. On intègre aussi la production de déchets par les touristes. »

Sur la zone rurale de Montpon, le volume des ordures ménagères y est passé de 180 kg par habitant et par an en 2019 à 114 kg, fin 2022. Dans le même temps, le SMD3 met en avant un réflexe vertueux pour alléger sa poubelle : l’augmentation du tri. Résultat : dans le secteur de Belvès, le volume d’emballages et papiers triés est passé de 51 kg à 80 kg La SMD 3 relève que 5 à 8 % des ordures ménagères collectés sont en pied de bornes, un chiffre conforme à la moyenne nationale. Elle n’a pas de visibilité sur les dépôts « sauvages », dans la nature.

Les campings, hôtels et restaurants plutôt favorables

Avec quatre millions de nuitées, les 200 campings de Dordogne sont les premiers hébergeurs de ce département touristique et de gros producteurs de déchets. « La hausse de coût est plus prononcée pour les petits camping-cars il y a un effet de seuil quand il faut louer des containers, alors qu’avant c’était assez artisanal », pointe Stéphane Mottier, président du syndicat des campings de la Dordogne. Certains réfléchissent à une petite participation demandée aux campeurs pour les aider à faire face.

Si les professionnels pouvaient s’adresser au privé Suez, ils ont trouvé un accompagnement satisfaisant auprès du syndicat public, comme des sacs rigides pour le tri en fonction du nombre d’emplacements, des composteurs collectifs et une aide à la communication.

« Il y a beaucoup de restaurateurs en ville qui ne pourront pas faire de compost par manque de place et ce sera mis dans le sac noir, donc cela générera beaucoup de redevances, c’est une vraie problématique entre ceux qui sont en ville et à la campagne », pointe Jean-Luc Bousquet, président de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie-restauration de Dordogne. Des solutions de compostages collectifs sont par exemple à l’étude.

Dès cet été, une application mobile permettra aux camping-caristes, par exemple, d’ouvrir les bornes et de payer avec un smartphone. Ce sera d’abord une solution pour les non-résidents avant d’être élargie aux Périgourdins. Les effets de cette nouvelle politique déchets, plutôt radicale, devraient être suivis de près par les autres départements et intercommunalités.